La vision européenne de l’économie circulaire
Droit à la réparation

La vision européenne de l’économie circulaire

La Commission européenne vient de publier son plan d’action pour l’économie circulaire (Circular Economy Action Plan, CEAP) dans l’ambition de paver la voie de l’Europe vers une politique en faveur de produits durables et une économie circulaire. Un des buts de ce texte est d’encourager les entreprises à offrir, et les consommateurs à choisir, des produits réutilisables, durables et réparables. De plus, le droit à la réparation est en passe de devenir un élément clé de ce puzzle.

Si cela existe, c’est possible

Vous vous rappelez du temps où il y avait du plomb toxique dans l’essence, les voitures n’avaient ni ceintures ni catalyseurs, les cigarettes étaient vendues sans avertissements et la nourriture sans informations nutritionnelles ? Dur, dur, mais telle fut la vie quotidienne pendant des décennies.

Ces trois gros secteurs industriels (l’alimentation, la santé et l’automobile) ont été mises sous contrôle public pour limiter leurs impacts négatifs sur l’environnement, la santé et la sécurité, au moins dans certains domaines. Il est logique d’étendre ce contrôle au secteur de l’électronique. L’utilisation, la réparation et l’élimination de nos appareils ont un énorme impact sur l’environnement et la santé de l’homme.

Selon une enquête Eurobaromètre récente, plus de 90 % des citoyens européens veulent protéger l’environnement et le climat. Avec ses propositions, la Commission européenne s’engage sérieusement à réaliser ces souhaits : le CEAP cible plusieurs facettes de la vie quotidienne dont l’électronique, le textile, le bâtiment, l’alimentation et le plastique. Le plan souligne le besoin d’un cadre législatif et s’exprime en faveur du droit à la réparation. Tout cela répond aux objectifs de développement durable 2030 de l’ONU.  

La dernière enquête Eurobaromètre le prouve : les Européens veulent garder leurs appareils plus longtemps. © repair.eu

Tous les ans, des tonnes d’appareils sont jetés prématurément, alors qu’on aurait pu les réparer, les mettre à jour ou en récupérer des pièces pour d’autres appareils. Ce n’est ni un secret ni la volonté des consommateurs, mais il manque une législation et des mesures de prévention. Le CEAP veut changer la donne.

Comment le CEAP compte lutter contre l’économie du jetable ?

1. Remplacer un appareil cassé est souvent bien moins cher et plus commode que de le (faire) réparer.

Savez-vous où faire réparer tous les appareils en votre possession ? Pas vraiment. Mais vous savez où en acheter des neufs. Pour que la réparation, et non le remplacement, soit l’option la plus facile, il faut des pièces de rechange à un prix décent et facilement accessibles. Ainsi que des manuels de réparation et une meilleure connaissance des options de réparation, du DIY aux réparateurs professionnels tiers et prestations d’entretien des fabricants.

Ce que dit le CEAP : Pour « assurer que les consommateurs reçoivent au moment de l’achat des informations pertinentes et fiables quant aux produits, y compris leur durée de vie et la disponibilité de services de réparation, pièces de rechange et manuels de réparation », l’Union européenne veut promouvoir « l’information des consommateurs sur comment et où faire réparer leurs produits ». La formulation est un peu vague, mais prometteuse !

2. Les gadgets modernes ont des tonnes de fonctionnalités, mais la réparabilité manque à l’appel.

Près de 80 % de l’impact environnemental d’un produit est déterminé lors de la phase de conception. Les batteries enduites de colle et les vis inhabituelles ne sont pas rares dans les appareils électroniques. Ce sont des obstacles de taille à la réparation, car elles rendent l’accès plus difficile, minent la confiance du réparateur et augmentent les coûts. Alors que la plupart des fabricants préfèrent miser sur une finition luxueuse au lieu d’une conception propice à la réparation, quelques-uns prouvent que l’une n’exclut pas l’autre. HP a mis sur le marché un record en réparabilité tout beau tout fin, et des fabricants comme Dell et Lenovo font preuve d’un engagement remarquable pour la réparation et le diagnostic de leurs produits.

Un label obligatoire comprenant le score de réparabilité, basé sur la nouvelle norme EN45554 ou bien sur notre propre système, pourrait aider les consommateurs à identifier les produits faciles à réparer avant de les acheter, et à augmenter ainsi considérablement la durée de vie de leurs acquisitions.

Ce que le CEAP propose : Déterminer les paramètres clés de la conception durable, dont « la durabilité des produits, leur réutilisabilité, leur évolutivité et leur réparabilité ». L’UE veut également élargir sa directive sur l’écoconception, jusqu’ici limitée aux téléviseurs, serveurs et appareils électroménagers, aux téléphones, tablettes et ordinateurs portables. Cela promet et nous sommes impatients d’en apprendre plus au sujet des mesures obligatoires envisagées.

Dans le cadre législatif pour une conception durable et réparable, le CEAP souhaite mettre l’accent sur les téléphones mobiles, mais aussi sur les tablettes et les ordinateurs portables.

3. Ce n’est plus le matériel mais la compatibilité et les mises à jour des logiciels qui poussent de plus en plus à l’achat de produits neufs.

Apple a ralenti les batteries d’iPhone pour les faire durer plus longtemps, sans piper mot aux clients, ce qui a créé une grande confusion et poussé à de nombreux nouveaux achats. Sonos a déchaîné les critiques en annonçant finir les mises à jour logicielles des appareils les plus anciens en mai 2020. Quant aux appareils Android, le soutien logiciel a toujours été mauvais. Les logiciels médiocres ouvrent la voie à l’achat du neuf et à la production de déchets, même si le matériel fonctionne en soi encore à merveille.

Comment le CEAP affronte ce problème : Le CEAP dit fort justement que quand les logiciels d’un appareil ne bénéficient plus de mises à jours, « on perd de la valeur ». C’est pourquoi son initiative d’économie circulaire pour le matériel électronique est censée compter « le droit de mettre à jour les logiciels obsolètes » parmi les mesures en faveur du droit à la réparation. À notre avis, c’est encore un peu nébuleux !

Et alors ?

Dans l’ensemble, le plan d’action pour l’économie circulaire semble poser les bases d’une culture de réparation et de prévention des déchets dans l’économie circulaire. Cependant, si des fabricants comme Apple font du lobby contre les plans de l’UE pour instaurer un chargeur unique et la croyance illusoire en une croissance-économique-comme-d’habitude persiste, il nous reste un long chemin à parcourir. Nous espérons que l’UE sera capable de résister aux pressions du monde industriel et de transformer rapidement ses propositions en lois ambitieuses. Des régulations fermement appliquées sont le meilleur moyen de forcer les fabricants à enfin intégrer la réparation dans la conception de leurs produits et à faire rimer réparabilité avec élégance et innovation.

Peu importe si vous êtes un converti de fraîche date ou prêchez la bonne cause depuis la première heure ! Montrez de quel côté vous êtes en signant la pétition pour le droit à la réparation et luttez contre le système économique actuel en réparant un objet aujourd’hui ! Notre point bleu pâle vous sera reconnaissant.

Crédits : Cet article a été écrit par notre rédactrice Dorothea Kessler et traduit par Claire Rapp